Origines
Son parcours est influencé par des figures artistiques marquantes mais aussi les rencontres fortes avec ses collaborateurs : danseurs interprètes, plasticiens ou techniciens.
Aux sources de la danse contemporaine italienne
Formée dès son plus jeune âge à la danse moderne à l’école Pozzo de Moncalieri de Turin qui se référait à Rosalia Chladeck, Ambra Senatore s’est ensuite construit un parcours à coup de stages et d’ateliers auprès d’artistes contemporains italiens, dans un pays où les formations professionnelles publiques étaient quasi inexistantes. Il fallait compter sur les initiatives privées comme celle d’Anna Sagna à Turin, danseuse et mère de Carlotta et Caterina, futures danseuses et chorégraphes, qui est entrée dans l’histoire de la danse moderne italienne des années 80.
L’Italie des années 70 est encore marquée par un profond classicisme et une danse de ballet, et les scènes et théâtres ne programment que sporadiquement des formes contemporaines. A l’inverse du théâtre, qui connait toute une effervescence révolutionnaire dans les années 50 et 60, à travers le nouveau théâtre, la danse contemporaine peine à se structurer, à faire mouvement, si ce n’est sous forme d’expériences éparpillées et éphémères.
« C’est seulement à partir des années 80 et jusqu’à la fin du XXe siècle que la présence éclairée et passionnée de quelques directeurs de théâtre, combinée à une situation économique plus favorable, a permis le paysage en Italie de danseurs et chorégraphes contemporains de renommée internationale » écrit la chercheuse Suzanne Franco*. « Cette nouvelle phase a été inaugurée par deux artistes capables de relancer la danse contemporaine sur le plan pédagogique et esthétique : Carolyn Carlson - qui en 1981 fonde à Venise le Teatrodanza la Fenice, et Pina Bausch, qui au Théâtre Due de Parme, arrive avec son Café Müller et présente en 1985 à Venise, une sélection de ses Stücker ».
A la Fenice - l’Opéra de Venise -, Carolyn Carlson, créé ses pièces, mais fait surtout travailler un noyau de danseurs italiens pour qui cette expérience de plusieurs années tiendra lieu de véritable formation. Quant au Tanztheater de Pina Bausch, il marque tellement les esprits que nombreux sont les danseurs italiens à faire le voyage jusqu’à Essen et Wuppertal pour se former et travailler avec elle - Raffaella Giordano, entre autres.
Lorsque Carolyn Carlson quitte Venise, son groupe constitué de danseurs vole de ses propres ailes et certains d’entre eux créent la compagnie Sosta Palmizi : on y retrouve Roberto Castello, Raffaella Giordano, Giorgio Rossi, Michele Abbondanza. Leurs premières pièces marquent la Danza d’Autore tout au long des années 80, au moment où en France émerge la Nouvelle danse. Cette danse qu’ils défendent sur les plateaux, flirte avec tous les autres arts dans un grand élan multidisciplinaire propre à l’époque et à la manière dont le théâtre italien a été fortement secoué pendant les années 60. Carlotta Sagna, Roberto Castello, Raffaella Giordano, tous entremêlent gestes et paroles, personnages et abstraction, émotion et mise à distance.
C’est donc cette génération d’artistes qui croisera la route d’Ambra Senatore et auprès de qui elle se forme : Roberto Castello avec qui le travail du visage, la théâtralité et l’attention à l’aspect éthique de la création prennent tout leur sens, Raffaella Giordano avec qui elle apprend la fragilité, l’émotion, ou Giorgio Rossi dont elle retient le sens du travail collectif.
Un temps aussi appelée par une carrière universitaire, elle jongle pendant quelques années entre création, recherche et enseignement - elle enseigne à l’université de Milan et publie une thèse sur l’histoire de la danse contemporaine italienne**. En 2010 elle choisit définitivement de se consacrer à la chorégraphie.
Aujourd’hui toutes ces générations de danseurs italiens se croisent sur les scènes européennes, la génération des années 2000 (Ambra Senatore, Alessandro Sciarroni…) ou des années 2010, Claudia Catarzi, Pietro Marullo, mais aussi les plus anciens tels qu’Emio Greco, Virgilio Sieni, Roberto Castello ou Carlotta Sagna. Sans que la création ne soit encore très soutenue en Italie, quelque chose s’est sédimenté, a permis aux artistes de circuler partout en Europe. De gagner une visibilité.
** La danza d'autore.
Vent'anni di danza contemporanea in Italia, Ambra Senatore, UTET Università, 2007.
La danse contemporaine italienne : les années deux mille, Numeridanse,